LabMember Profile
City/Town
1060 SAINT-GILLES BE
Country
Belgium
Website
Isabelle Azaïs, Faire avec ce que l'on a tout près, tout prêt.
Son terrain de chasse est sa ville (Bruxelles), sa matière première, les emballages plastiques générés par notre société de surconsommation, sa philosophie, la création dans la résilience. Faire avec ce que l'on a tout près, tout prêt, et laisser opérer la magie de la maîtrise de la chaleur....
Propos recueillis par Eva Bensard pour le magazine Atelier d'art de France 2020
« Pourquoi le bijou ? Durant mes études à l'école des Beaux-Arts de Toulouse, j'avais choisi la section «sculpture, installations ». Aujourd'hui, j'ai juste changé d'échelle avec les bijoux, je les considère comme des sculptures en miniature. Mes premières expérimentations se sont faite avec le cuir. J'avais trouvé, dans le squat de Bruxelles ou j'avais mon atelier, un gros stock de peaux. Pendant des années, j'ai fabriqué des bijoux coutures dans ces peaux et avec des chutes que me donnaient d'autres artisans du cuir. J'étais déjà sensible à travailler avec des chutes, avec ce qui se jette.
Puis au bout de dix ans, j'ai eu envie d'expérimenter de nouvelles formes de création, plus urbaines et contemporaines. Le plastique a été mon nouvel eldorado. Il présente des avantages multiples : il est gratuit, très facile à collecter, léger a transporter, coloré...il offre un potentiel artistique passionnant à explorer. Souple, rigide, fin, épais, compact ou en filet, sa variété est immense. J'ai commencé par recycler des sangles (on en trouve dans les chantier, autour des achats d'électroménager...), puis j'ai ajouté à mes recherches des sacs plastique et des couvertures de survie : ces dernières sont données à chaque coureur lors des marathon, puis jetées à la fin de la course. Cela forme d'immenses poubelles couleur or ! Je les récupère, les compresse, les assemble. Je tiens à rester dans une unité de matériau, cela me permet des thermo-soudures.
Ces rebuts se prêtent à des métamorphoses étonnantes et nécessitent un outillage simple et léger, qui consomme peu d'énergie et tient dans une petite mallette : pointe à chauffer avec différents embouts (pour souder), bougie, pistolet à colle... Le gros défaut du plastique est sa toxicité. Je le chauffe mais ne le brûle pas, pour éviter les émanations, et me suis équipée de hottes aspirantes.
Dangereux, fascinant, omniprésent dans notre environnement, le plastique a remplacé en quelques décennies toutes les matières naturelles utilisées auparavant par l'homme (tissu, cuir, céramique, bois, métal...). C'est pourquoi je m'amuse du therme « ennoblisseuse de déchets plastiques ».
La beauté venimeuse est au cœur de mon travail. Tout semble gaie et ludique alors que ma réflexion est grave. Les coraux mutants sont apparus un peu au hasard de manipulations avec mes outils, car je ne fais jamais de dessin préparatoire. Puis ils se sont imposés, ont proliféré, colonisant d'autres objets – comme le service à thé d'Alice au pays des Poubelles ». Je conte une fiction autour de ces vestiges du futur, où j'imagine un monde qui aurait été totalement saturé par le plastique. Une seule forme de vie aurait pue subsister et s'adapter: des coraux mutants. Science fiction ? Pas si sûr... Car je crains que le lien entre l'homme et le plastique ne soit pas prêt de disparaître.
Aujourd'hui, je me suis fixée un nouveau défi : travailler avec les même matières mais à plus grande échelle. La frontière entre Art et Art Appliqué ne m’intéresse pas. Je suis assise dessus, je ne m'interdis rien ! »